Les règles, un phénomène biologique naturel qui touche la moitié de la population mondiale, restent encore aujourd’hui entourées de nombreux tabous à travers le monde. Bien que les menstruations fassent partie intégrante de la vie des femmes, elles sont souvent perçues comme saleshonteuses ou mystiques dans certaines cultures. Ces tabous peuvent avoir un impact direct sur l'éducation, la santé, et les droits des femmes.

Dans cet article, nous explorons les tabous menstruels présents dans différentes régions du monde, leur origine, et leurs conséquences sur la vie des femmes.


1. Les tabous liés à la pureté : un phénomène mondial

Dans de nombreuses cultures, les menstruations sont perçues comme une source d'impureté. Cette croyance trouve ses origines dans des traditions religieuses ou spirituelles qui considèrent que le sang menstruel est porteur d'impuretés ou de malédictions.

Exemples de pratiques :

  • Inde : Dans certaines régions, les femmes menstruées ne peuvent pas entrer dans les temples, cuisiner, ou toucher des objets sacrés. Elles sont parfois isolées dans une pièce séparée pendant la durée de leurs règles.
  • Népal : La pratique du chaupadi impose aux femmes menstruées de dormir dans une cabane en dehors de la maison, car elles sont considérées comme impures. Cette tradition, bien qu'interdite par la loi en 2005, persiste dans certaines régions rurales.
  • Japon : Dans certaines traditions bouddhistes, les femmes menstruées ne peuvent pas entrer dans les sanctuaires sacrés. Certains chefs sushi masculins justifient également l’absence de femmes dans leur profession en affirmant que les menstruations affecteraient leur sens du goût.

Conséquences :

  • Isolement social
  • Stigmatisation des femmes pendant leurs règles
  • Obstacle à la participation des femmes aux pratiques religieuses

2. Le tabou du silence : l'absence de dialogue autour des règles

Dans de nombreux pays, les menstruations sont un sujet tabou que l’on préfère éviter de mentionner. Cette absence de dialogue crée une méconnaissance générale des menstruations, notamment chez les jeunes filles qui sont mal préparées à leurs premières règles.

Exemples de tabous culturels :

  • Afrique subsaharienne : Dans certaines communautés, parler de règles est mal vu. Les jeunes filles découvrent leurs menstruations seules, sans explications de leur famille.
  • Amérique latine : Dans certains pays comme le Mexique, les menstruations sont encore perçues comme un sujet de honte. Il est courant d’entendre des expressions codées pour parler des règles, comme "la visite du mois".
  • Europe de l’Est : Dans certaines régions, les règles sont toujours un sujet de gêne, même au sein des familles. Parler de menstruations reste souvent limité à des cercles féminins restreints.

Conséquences :

  • Manque d'éducation menstruelle : Les jeunes filles ne reçoivent pas les informations nécessaires sur leur cycle menstruel, ce qui peut entraîner de mauvaises pratiques d'hygiène.
  • Honte et stigmatisation : Le silence autour des règles peut renforcer le sentiment de honte et d'infériorité chez les femmes.

3. Les croyances mystiques autour du sang menstruel

Dans certaines cultures, le sang menstruel est associé à des pouvoirs mystiques. Ces croyances peuvent être positives, mais elles sont souvent utilisées pour justifier des pratiques discriminatoires à l'égard des femmes.

Exemples de croyances :

  • Afrique de l’Ouest : Dans certaines tribus, il est interdit aux femmes menstruées de toucher les récoltes, car on croit que cela rendrait les cultures infertiles.
  • Moyen-Orient : Certaines croyances attribuent au sang menstruel des pouvoirs de malédiction. Une femme menstruée est perçue comme capable de jeter un sort ou de provoquer des catastrophes.
  • Italie (superstitions anciennes) : Au Moyen Âge, on pensait que les femmes menstruées pouvaient faire tourner le vin et détruire les récoltes si elles entraient en contact avec les plantes.

Conséquences :

  • Discrimination : Ces croyances conduisent à des interdictions et des restrictions imposées aux femmes menstruées.
  • Isolement social : Les femmes sont parfois éloignées de la communauté pendant leurs règles.

4. Les tabous économiques : la précarité menstruelle

Le coût des produits menstruels est un autre sujet tabou dans de nombreux pays. La précarité menstruelle touche des millions de femmes qui n'ont pas accès à des protections hygiéniques adéquates, notamment dans les pays en développement.

Exemples de précarité menstruelle :

  • Afrique : Dans certains pays, les filles manquent l'école pendant leurs règles car elles n'ont pas accès à des protections hygiéniques. On estime que certaines filles ratent jusqu'à 20 % des jours de classe chaque année en raison de leurs menstruations.
  • États-Unis et Europe : La taxe tampon est un sujet de débat. Dans de nombreux pays, les produits menstruels sont toujours considérés comme des articles de luxe et sont donc taxés, rendant leur coût encore plus élevé pour les femmes.

Conséquences :

  • Manque d'accès à des protections hygiéniques : Les femmes utilisent des solutions précaires (tissus, feuilles, etc.), ce qui augmente les risques d'infections.
  • Décrochage scolaire : La précarité menstruelle est l'une des causes principales d'absentéisme scolaire chez les filles dans de nombreux pays.
  • Inégalités économiques : Le coût des produits menstruels représente une charge financière supplémentaire pour les femmes.

5. Les changements récents : vers une levée des tabous ?

Ces dernières années, plusieurs initiatives à travers le monde ont cherché à lever les tabous autour des règles.

Exemples d'initiatives positives :

  • Écosse : En 2020, l'Écosse est devenue le premier pays au monde à rendre les protections menstruelles gratuites pour toutes les femmes.
  • Inde : Des campagnes de sensibilisation, notamment à travers le film "Pad Man", ont permis de briser certains tabous autour des règles et d'encourager l'accès aux protections hygiéniques.
  • Réseaux sociaux : Des mouvements comme le #PeriodPositive ou le #FreeThePeriod sur les réseaux sociaux visent à déstigmatiser les menstruations et à encourager un dialogue ouvert.

Résumé

Les tabous autour des règles varient d'une culture à l'autre, mais ils ont tous un impact négatif sur la vie des femmes. Qu'il s'agisse de croyances religieuses, de superstitions mystiques ou d'un manque d'accès aux protections hygiéniques, ces tabous perpétuent la stigmatisation des menstruations et limitent les opportunités des femmes dans la société.

Cependant, des initiatives récentes montrent une tendance à la déconstruction des tabous et à une normalisation des règles dans certaines parties du monde. En ouvrant le dialogue et en levant les barrières économiques, il est possible de changer la perception des menstruations et d'améliorer la vie des femmes partout dans le monde.


Références

  1. Bobel, C. (2019). The Managed Body: Developing Girls and Menstrual Health in the Global South. Springer. Disponible sur
  2. Johnston-Robledo, I., & Chrisler, J. C. (2013). The Menstrual Mark: Menstruation as Social Stigma. Sex Roles. Disponible sur
  3. Crichton, J., Ibisomi, L., & Ezeh, A. (2012). Menstruation and education: How a lack of sanitary products impacts school attendance in Africa. International Journal of Educational Development. Disponible sur
  4. van Eijk, A. M., et al. (2016). Menstrual hygiene management among adolescent girls in low- and middle-income countries: A systematic review and meta-analysis. PLoS Medicine. Disponible sur